Ma plus belle voie :)

L'encordement

Janvier 2013, je me retrouve un peu par hasard dans une petite salle bruyante, enfumée, remplie d'inconnus. Désarmée face au bordel de prises multicolores sur les murs et à l'incompréhension du principe, j’essaie une voie "rose" dans un coin. Trop faaace, tssss je savais que j'étais douée. Une autre, ouais heu... Bon, 15 min plus tard, je me demande si mon corps va réussir à conduire pour rentrer chez moi.

Je suis un tas de douleur oui, mais ravi!

Partner Check

Étape d'autant plus importante qu'elle a mal commencé. Les quelques premiers midis à la salle me laissent le temps d'analyser le "partenaire type salle Grimper Aix du midi" qui me parait bien étrange : il est vieux… heu plus âgé, athlétique, il mange des graines, il parle une autre langue ("prends le bac" - euh.. OK mais c'est quoi??!), il est là TOUS les jours, et EN PLUS il raconte ses sorties escalade du week-end.

Merde, il passe la moitié de sa vie à monter pour descendre, et l'autre moitié à en parler. Le pauvre.

L'observation du groupe à la trentaine - voire quarantaine - bien tassée me fait vite comprendre un point essentiel, expliquant leur capacité physique à être là tous les jours : ça parle beaucoup plus que ça ne transpire !

Partner bizarre, mais partner sympa. J'achète. Partner checked, on y va.

1ère section : Ca déroule.

Les premiers mouv' sur prises en résine rose, puis bleue, puis verte, puis rouge s’enchaînent bien. Petit pas pour aller chercher le bac violet. Ça déroule vite, j'adore.

Je prends ma première claque quand j'arrive à la transition résine-falaise. Pour tenir ma réputation de vraie Géologue en carton, je me retrouve comme toujours dans l'incompréhension totale face à la roche. Mais la vue ensoleillée des Emigrés, et l'escalade des familles à la saveur pizza-bière finissent de me conquérir.

Clip.

2ème section : les 1ers crux

Section moins agréable où je comprends qu'il faut que je prenne sur moi pour continuer à avancer. 

- Je me retrouve devant une montagne de notions, nœuds, manips à apprendre. 1er crux dur en lecture mais on me file quelques méthodes, ça passe. Clip.

- Mouriès. Je troque mes pantoufles contre des vrais chaussons beaucoup trop petits, j'en pleure de douleur sans vouloir descendre. J'espère juste que Seb en bas n'a pas capté. Clip.

- Jusque-là en moule, je passe en tête. Paroi du rouge, au-dessus du point avec la corde derrière la jambe, je suis tétanisée sans réussir à bouger. Boucl’ ne dit rien mais je sens qu'il presque plus stressé que moi. C'est horrible. Mais pourquoi je m'inflige ça sérieux? Si je m'en sors, j'arrête l'escalade. Bon Leslie, bouge ! Je bouge, je serre et je passe. Maiiiiis punaiiise, que d'émotions, c'était... génial!

Clip.

Ouf.

3ème section : Je me la colle

Accepter le risque de se la coller, c'est un peu le passage obligatoire d'une belle voie : spéciale dédicace aux points trop éloignés de Ceüse, à Toto pour la séance école de vol à Luminy, et au duo Bouclette-Matik pour la "marque de Meyrargue" à VIE au genou.

Cli.. 

Ah non, j'allais oublier. Comment passer la section "je me la colle" sans la spéciale dédicace à MARTELLIIII (oui toahhhh) pour toutes ces bières pariées et toujours perdues, et à la fine équipe pour les soirées qui commencent bien et se terminent inexplicablement au rhum.

...Hip.

4ème section : la belle traversée 

Longue et magnifique section où j'en prends plein les yeux et où s'enchaînent tous les styles : ça commence sur quelques prises abrasives à la "Digitale Crucifixion", puis des trous Margalefiens au goût de maïs grillé, la pose de quelques coinceurs, une envolée Ceüsienne, une petite section sans pied droit version Paroi des toits, un régal dans des assiettes Venasquaises, une sortie de toit gazeuse digne du Cap Canaille, des bacs à fleurs du Jardin de JP, une grotte Finale à l’italienne, un pas en style Orprierrien avec devers de vrai homme (et des verres de vrai rhum)…

J'en ai encore des Etoiles Noires plein les yeux, et comme d'hab, j'en ai oublié la moitié.

Clip. Clip. Clip et Reclip.

5ème section : l'importance de l'assureur

A ce stade de la voie, le bas me parait loin. Je jette un coup d'œil derrière, à mon partenaire qui patiente en m'assurant depuis... oh ça doit pas faire pas si longtemps, si?

Je me dis qu'il a soudain perdu son côté bizarre. Ou alors c'est moi qui suis devenue bizarre. Mais je penche quand même pour la première solution. Parce qu'en fait, mon partenaire, il est parfait : 

En plus d'être une machiiine, photographe attentif, ostéo attentionné et hôte 3 étoiles pendant mes périodes SDF, il a :

1.    les meilleures références : il vient de Lorraine où il a étudié la géologie, aime les graines et les flammekueches,  et connait les meilleurs spots vue mer, pour toute activité.

2.    un style d'enfer : Il a  un short bleu, un pouce original, les cheveux devant les yeux, et c'est la grimpe esthétique par excellence. Respect, force et honneur. Enfin, surtout la force.

3.    les qualités du meilleur sparring partner : malgré ses doigts usés par l’or et les prises, il me (sup)porte jusqu’au bout des infââââmes Jeudis Conti. Il sait me faire croire que c’est pas grave et que lui non plus n’est pas en forme aujourd’hui (oui oui Guigui)

4.    une énergie débordante : Il me fatigue rien qu'à le regarder, ses mails vont plus vite que ses pensées et il a un potentiel au sketch en anglais qui dépasse sa collection de chaussons. C'est mon meilleur joker talon, chausson, méthode et consolation détournée.

5.    une capacité à déjouer le sort : qu'on se tape la poisse, le gaz ou la pluie, que j'y perde des neurones, du champagne ou ma fierté dans un 4C en moule, c'est toujours SUPEEER. On pourrait en faire toute une (Martel)liste.

6.    c'est quelqu'un d'important : star montante dans l'expertise virtuelle de la Grimpe-à-vue, il excelle dans l'art du retard et dans le style "vert et orange". Aux vacances "Plouf-plouf magazine Grimper", aux terribles missions imprévues, j'espère juste que la Boucl' ne sera jamais... bouclée! Bang bang.

Clip.

6ème et dernière section : "Seeeeec!"

La voie est loin d'être finie mais je m’octroie quand même une petite pause. Pas grave, l'enchaînement c'est définitivement pas mon truc!

Bilan :

Vous êtes toujours vieux. Je me sens toujours jeune. Mais un peu plus athlétique... Je me surprends à manger des graines. J'ai appris une autre langue (j'utilise le mot "bac"). Bon OK... je suis là quasiment tous les jours et en plus je raconte mes sorties escalade du week end... 

Par contre, j'ai compris que je passe une bonne partie de ma vie à faire UN PEU PLUS que monter pour descendre... Et l'autre partie, à en parler!

 --Leslie